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SOUVENIRS

venait que ce vieux Castillan de la vieille roche en avait conservé l’horreur des Créquy. Les paroles d’un supérieur à ses inférieurs ne sauraient jamais être assez mesurées, et surtout dans l’état militaire. Vous ne sauriez imaginer combien les duretés et les amertumes du Maréchal de Créquy avaient fait d’ennemis à votre maison ; vous en verrez encore un exemple dont j’ai fait preuve. C’était encore le temps du point d’honneur : on était plus susceptible et plus mémoratif qu’aujourd’hui.

Ce même Comte-Duc avait pour unique espoir de postérité masculine un mauvais garnement de fils, dont on avait long-temps parlé sous le nom de Marquis de Sa, et qui s’appelait alors Osmand-Charry-Bey, sans que l’ambassadeur, son père, en fût déconcerté le moins du monde. Toutes les capitales de l’Europe avaient retenti de ses déportemens ; et le vice-roi de Naples avait fini par le faire condamner aux galères, à propos du meurtre d’un chanoine. Ce Marquis de Sa trouva moyen de s’enfuir en Barbarie, où il s’était fait Mahométan chez l’Empereur de Maroc dont il avait épousé les deux filles, e sempre bene ! Le père en était parfaitement quitte à ses propres yeux pour avoir renié son renégat de fils, et quand il avait à parler de sa maison c’était pour dire qu’elle allait s’éteindre, attendu qu’il était octogénaire, et qu’il était le dernier des Urtado de Mendoça qui avaient droit de chaudière à la cour du Roi Pélage. Et puis c’était des rengorgemens aragonais, des airs de tête andaloux et autres folies d’Espagne à lui faire rire au nez.

J’ai remarqué que l’infamie du père s’étend tou-