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Page:Créquy - Souvenirs, tome 2.djvu/158

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SOUVENIRS

sœur plus de libelles enragés et de pamphlets calomnieux qu’il ne vous serait possible d’en lire en six mois. Le Cardinal de Tencin touchait annuellement 366 mille livres en qualité d’Archevêque de Lyon et par ses autres bénéfices ecclésiastiques ; le bordereau de ses aumônes était de 200 mille livres par an ; c’est tout ce que je vous dirai pour aujourd’hui, me réservant de vous produire une ample dissertation sur le Cardinal et la Comtesse de Tencin, qui ont été bien assurément les deux personnages les plus étrangement calomniés du dernier siècle. Ce n’est pas que cette Comtesse Alexandrine n’eût bien mérité quelques épigrammes, et surtout quand elle avait abandonné son couvent régulier des Augustines de Montfleury pour entrer au Chapitre séculier des Chanoinesses de Neuville ; mais il ne s’ensuit pas qu’elle ait été la mère du philosophe Jean-le-Rond, surnommé Dalembert ; il est de toute fausseté qu’elle ait jamais eu la pensée de chercher à lui faire croire une indignité pareille ! Aussi verrez-vous que ce fut une invention des encyclopédistes, qui voulurent faire d’une pierre trois coups, en diffamant la sœur de leur antagoniste, en exhaussant leur bâtard de géomètre jusqu’à cette famille noble, et en accrochant ce Dalembert à la soutane d’un Cardinal qui tonnait et fulminait contre le jansénisme, le philosophisme et l’impiété dans tous ses mandemens. Ce qu’il y eut de plus étrange en tout ceci : c’est que M. Dalembert avait été pendant deux ou trois ans la dupe de ses confrères en philosophie ; il ne doutait pas que cette pauvre Madame de Tencin ne fût sa mère naturelle, et l’on avait été jusqu’à lui persuader