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SOUVENIRS

tout ce que nous a coûté la maison de Guise ! Ce sont les petits-enfants du Roi, Stanislas, et, par conséquent, c’est la couronne de France qui doivent hériter du Duché de Lorraine ; ainsi, j’estime que la Reine ne devrait en conserver aucun scrupule.

Puisque je vous ai nommé Mme de Marsan, je vais profiter de mes réserves, en empiétant d’une quinzaine d’années sur le temps futur, et je vais commencer par cette bonne Princesse une petite galerie de portraits, qui vous puisse représenter les personnes que j’ai le mieux aimées ou le plus connues.

Il paraît qu’il était dans ma destinée de me trouver calomniée dans l’esprit du peuple français. Longtemps avant qu’il fût question de l’assemblée Nationale et de mon procès contre le citoyen Bézuchet, j’avais été soupçonnée d’un autre forfait abominable : on m’avait accusée d’avoir commis un vol sacrilège, et voici comment nous en fîmes la découverte.

Mme de Marsan[1], avec qui je faisais souvent de petites dévotions en parties fines, s’en vint un jour me chercher pour aller boire de l’eau du puits de sainte Geneviève, à Nanterre, pendant la neuvaine de sa fête patronale, car elle avait nom Geneviève ; et nous voilà parties dans son vis-à-vis doré, moitié disant nos patenôtres, et moitié nous diver-

  1. Marie-Louise Geneviève de Rohan-Soubise, veuve de Gaston de Lorraine de Guise et d’Armagnac, Sire de Pons et Comte de Marsan. Elle avait été Gouvernante des Enfans de France, et l’extrémité septentrionale du château des Tuileries qu’elle habitait en a pris le nom de Pavillon Marsan. Ses contemporains avaient trouvé que le couplet suivant peignait assez bien ses habitudes aristocratiques et son horreur pour les mésal-