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SOUVENIRS

frit jamais ! disait-il un soir chez Mme de Montespan, qui répondit à cela que Despréaux n’avait jamais été qu’un mal appris. Mon oncle disait encore que lorsque le roi parlait de l’Angleterre, il disait souvent, avec un grand air de mépris et de sévérité, cette île mal obéissante !…

En vous rappelant les cailletages de mes vieux parens sur le Duc d’Angoulême, cela me fait aviser que je ne vous ai rien dit encore de sa petite-fille, la Marquise douairière de Créquy, à laquelle il venait d’arriver une singulière aventure[1].

Anne-Charlotte d’Aumont, Marquise de Créquy-Saint-Pol, était admirablement aimable et gracieuse ; et malgré son âge de quarante-sept ans, elle était restée si belle avec l’air si jeune, que tous les jeunes gens du meilleur goût s’en préoccupaient amoureusement. Il y avait parmi ses laquais un grand garçon qui se disait Provençal, et qu’elle avait accepté sur

  1. Elle était veuve depuis l’année 1702, de François-Joseph de Créquy, lequel avait été tué si glorieusement a la bataille de Luzzara ; et c’est le même personnage à qui le Duc de Saint-Simon reproche aigrement d’avoir été, dès son enfance, un modèle de galanterie raffinée. Autant vaudrait lui reprocher d’avoir été naturellement d’une politesse exquise, et voici ce que Mme de Sévigné nous en rapporte : « L’autre jour Monsieur le Dauphin tirait au blanc et tira fort loin du but. M. de Montausier se moqua de lui, et dit tout de suite au Marquis de Créquy qui est fort adroit : — Voyez celui-ci comme il va tirer ; mais le petit pendard visa d’un pied plus loin que Monsieur le Dauphin. — Ah ! petit corrompu, s’écria M. de Montausier, il faudra vous étouffer ! M. de Grignan se souviendra bien de ce jeune courtisan dont il nous a conté mille choses pareilles.