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Page:Créquy - Souvenirs, tome 2.djvu/213

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

tous les abords obstrués et barrés par des soldats aux gardes-françaises ; on vit qu’il était ecclésiastique, et le sous-officier le laissa passer en lui faisant un signe d’intelligence auquel il ne comprenait rien. Arrivé près de l’Hôtel-de-Ville, dont la grand’porte était ouverte, il entrevoit du mouvement et des flambeaux ; la curiosité l’excite, et, comme il avait des habitudes à l’Hôtel-de-Ville, où tous ses grands-pères et ses grands-oncles avaient toujours été Conseillers, Échevins et Quartiniers de père en fils, il monte ; et jugez quel est son étonnement en apercevant au milieu de la cour tous les préparatifs d’une exécution capitale ! Il s’y trouvait sept à huit figures sinistres, dont un exécuteur avec son damas, à côté d’un billot couvert d’un drap noir et d’un autre billot non drapé. Il y régnait un profond silence, mais bientôt l’on vit arriver deux beaux jeunes gens qu’on fit agenouiller chacun à portée de son billot, en ayant soin de les faire reculer ou avancer plus ou moins, suivant les prescriptions de l’exécuteur.

L’Abbé Cochin, qui tremblait de tous ses membres et qui s’était reculé derrière un pilier des arcades qui font de cette petite cour une espèce de cloître, vit ensuite que ces deux malheureux jeunes gens laissèrent tomber leurs têtes plutôt qu’ils ne les posèrent sur les billots, et puis le bourreau tira son coutelas dont il essaya le tranchant avec son doigt ; mais voilà qu’au lieu de couper la tête à ces deux gentilshommes, il se contenta de leur passer le dos du sabre sur le col, avec un air de grande importance ; après laquelle manœuvre il essuya soigneusement son grand damas, qu’il remit dans le