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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

dix-sept ans de l’usage de sa raison et de sa liberté ! Il est assez connu que dans un accès de frénésie, il a causé la mort de Madame Agnès-Brigitte de Créquy, son épouse, et que les cours souveraines de Flandres et de Brabant ne l’ont pas considéré comme justiciable d’une autre loi que celle de l’Interdiction. Il appert des certificats ci-joints, 1o que le dit Seigneur Comte se refusait opiniâtrement, tandis qu’il était au château de Loozen, à prendre aucune autre sorte de nourriture que de la chair crue ; 2o qu’il réservait la ration du vin qu’on lui apportait journellement, jusqu’à ce qu’il en eût en assez grande quantité pour se pouvoir enivrer ; 3o qu’il s’est blessé dans la journée du 4 avril 1712, au moyen d’un crochet de fer qu’il a essayé de se faire entrer dans la gorge, et qu’il en est résulté une perte de sang dont il a failli perdre la vie ; 4o qu’ayant trouvé moyen de s’enfuir dudit château de Loozen, il a rencontré sur le chemin deux capucins de Ruremonde lesquels il a commencé par maltraiter furieusement en les voulant obliger à renier Dieu. Il était armé de quatre pistolets chargés qu’il avait enlevés à des voyageurs. L’un de ces Religieux effrayé mortellement par la violence du malheureux Comte, avait eu la faiblesse de prononcer certaines paroles d’apostasie que sa folie supéditait, il lui fit sauter la cervelle en lui disant qu’il n’était qu’un misérable apostat et qu’il était juste d’envoyer au diable. L’autre moine ayant tenu ferme, il n’en fut pas moins tué d’un coup de pistolet, cet aliéné disant qu’il irait droit en