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Page:Créquy - Souvenirs, tome 2.djvu/7

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

— Marquis ! Marquis ! s’écria ma grand’mère en l’interrompant ; je ne souffrirai pas que vous lui veniez parler des filles de M. le Régent ! vous la feriez tomber à la renverse, et ce serait dans le cas de lui faire une révolution !

La révolution qui s’en suivit dans mon esprit et dans les projets de Mme de Froulay, c’est qu’il ne fallut pas songer à me présenter à la famille d’Orléans, parce que M. de Créquy ne l’aurait pas tenu pour honorable. Il en est résulté que je n’ai connu d’autres Duchesses d’Orléans que les deux dernières, et encore était-ce parce que nous nous étions souvent rencontrées chez leurs parens, chez Mme la Princesse de Conty pour la belle-mère, et chez M. le Duc de Penthièvre, mon parent et notre ami, pour la Duchesse d’Orléans d’aujourd’hui. Je vous parlerai plus tard de ces deux Princesses et de leurs maris.

Dans le grand nombre des personnes à qui je fus présentée, je distinguai particulièrement la célèbre Mme de Coulanges qui venait de perdre le sien, (c’est le mari dont je parle), et dont la vivacité d’esprit avait bien de la peine à se laisser comprimer par ses habits de veuve et par le poids des années. Je ne saurais vous exprimer tout le plaisir qu’on prenait à sa conversation. C’était des mots portant coup et frappant juste, avec une imprévision qui vous saisissait ; l’esprit et l’originalité n’étaient là que pour la broderie, car le fond de l’étoffe était la raison même, et chacune de ses plaisanteries méritait réflexion. Je lui criais miséricorde, et l’envie de n’en rien perdre me donnait la fièvre.

Mme de Sévigné était morte quatre ou cinq ans