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SOUVENIRS

et dans les églises, où, ce me semble, elle ne paraissait guère. Enfin, quand je l’ai vue pour la première fois, c’était dans la galerie de Versailles, et le jour de sa présentation.

C’était une petite personne assez, chétive avec des yeux tirant sur le bleu, mais des plus ternes ; des cheveux jaunes environ de la couleur de sa peau, ce qui faisait que le grand deuil (sans poudre et sans rouge) était un rude écueil pour elle. Les cils de ses paupières étaient exigus, inégaux et rares ; elle avait deux marques rouges à la place où il aurait dû se trouver des sourcils ; elle avait des dents comme qui en peut avoir avec des morceaux d’ivoire et des fils d’or, moyennant un rouleau de cinquante louis. Elle avait aussi des mains écourtées, ignobles, et ses pieds mal attachés et rabougris, plutôt que mignons, étaient ridiculement tournés en dehors, à la façon chorégraphique. Enfin cette amante adorée du plus grand monarque et du plus beau prince de la terre avait toujours l’air souffreteux, la mine afflictive, et le propos languissant.

Il est à remarquer que Mme de Pompadour prenait la physionomie la plus inquiète et la plus troublée tout aussitôt qu’elle se trouvait en regard avec une femme de bien, et c’était depuis la Reine Marie de Pologne, jusqu’à sa pomponière, Mlle Sublet, qui, lorsque la toilette de la Reine était finie, ne sortait jamais de la chapelle de Versailles que pour aller prendre ses repas, ou pour aller se coucher dans la garde-robe de la Reine, à sept heures et demie du soir. Heureusement que la Reine ne faisait jamais de seconde toilette.