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SOUVENIRS

dans tous les cas, long-temps avant qu’elle eût épousé son cousin d’Orléans. On aura confondu Mlle Lecouvreur avec une demoiselle Ledru, dont voici l’histoire. Elle avait débuté dans la tragédie de Phèdre ; on savait qu’elle était passionnément éprise et cruellement jalouse, du Comte de Melfort ; et tout le monde a su qu’elle avait eu l’air d’appliquer insolemment du regard et du geste, à la même Duchesse d’Orléans, ces quatre vers de son rôle :

 
« Je sais mes perfidies,
« Ænone, et ne suis point de ces femmes hardies
« Qui, goûtant dans le crime une tranquille paix,
« Ont su se faire un front qui ne rougit jamais ! »

Elle était morte au bout de quarante-huit heures. On l’enterra sans cérémonie sur les bords de la Seine au-dessous des Invalides, au point du jour ; et par hasard, il se trouva, que Mme la Duchesse d’Orléans, qui passait, de l’autre côté de la rivière, avait eu la curiosité de faire arrêter son carrosse afin de regarder cette misérable inhumation……

Son mari l’avait fait peindre en Minerve, et le portrait de cette déesse de la sagesse, dont la mère était d’Orléans et dont le fils a si bien résumé toutes les perfections héréditaires et les illustrations, de la famille[1] ; l’effigie de cette Duchesse d’Orléans,

  1. Il a fini par voter la mort du Roi, ce qui n’a surpris personne, et les journaux, disent, aujourd’hui qu’il est monté, décadi dernier, dix floréal, à la tribune de sa société des Jacobins, pour y déclarer qu’il était le fils d’un cocher de sa mère.
    (Note de l’Auteur, 1793.)