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SOUVENIRS

étouffait de colère ; elle en perdit la tramontane, et je ne sais plus ce qu’elle se mit à débiter sur la vénalité de certaines amours. Oh ! pour le coup, la fustigation devint sanglante, et cette fille des résolus Mailly Ilogne quy Vonra[1] se prit à fixer l’injurieuse princesse et la transpercer, pour ainsi dire, avec ses regards et son nez d’aigle, en lui disant hardiment : « Je n’ai pas encore éprouvé qu’on eût besoin d’argent pour trouver des amoureux ; mais ce que je sais très bien, c’est qu’il y a quinze ans (lorsque je suis entrée dans le monde), il y avait déjà long-temps que le Chevalier de Villeneuve avait reçu des boutons de diamant, des chaînes de montre en perles, et, qui pis est, une pension sur les domaines et forêts de la duché d’Estampes ; et ce n’est pas moi qui suis Duchesse d’Estampes, ainsi que chacun sait… »

Voilà ce qu’étaient devenus la courtoisie française et le bon goût parisien depuis le bel air de la Régence ! voilà quelles étaient les politesses qu’on allait recevoir et qu’on rendait au Palais-Royal ! tant il est vrai que les mauvaises mœurs engendrent les mauvaises paroles, et que la mauvaise conduite amène toujours les mauvais propos.

  1. Cri de guerre des Sires de Mailly, dont les armes sont desMaillets.

    Pour les Créquy, Mailly, d’Ailly,
    Tels noms, telles armes et tel cry,
    D’où vient qu’on dici qu’armes parlantes
    Ou sont bien bonnes, ou bien meschantes.

    (La Gruthuse.)