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SOUVENIRS

Maréchale de Luxembourg. — Oserais-je vous demander ce que M. de Buffon vous a répondu ?

— Il a pris, je ne sais pourquoi, la chose en plaisanterie ; il m’a conseillé de ne boire que du lait d’amandes.

Toutefois, dans les embarras de voyage, dans les cas d’exercice extraordinaire ou dans les occasions de disette imprévue, Mme de Blot se relâchait un peu de sa diététique éthérée, et Mme de Blot avait le courage de prendre sur elle au point de sucer un aileron de pigeonneau qu’on lui faisait étuver dans un cœur de laitue. C’était la seule viande dont elle pût s’accommoder (en compagnie se trouve toujours sous-entendu), la chair de poulet lui paraissant trop grossièrement substantielle, trop compacte, et celle de tous les petits-pieds d’une saveur trop forte et d’un haut-goût trop masculin. — On ne veut jamais se laisser pénétrer d’une idée, et d’une idée très simple, pourtant ; c’est qu’une femme est une rose. Comparaison charmante et nouvelle qui finissait toujours par aboutir en traits méprisans contre les choux farcis, les boudins noirs, et surtout contre les asperges. On ne savait ce que les asperges avaient pu faire à Mme de Blot ; apparemment que son mari les aimait beaucoup.

— Voulez-vous manger de ces oreilles de cerf en menus-droits, Comtesse ?

— Madame aurait pu supposer que je ne suis point un chasseur, un piqueux de vénerie…

— Duchesse de Chartres, faites-lui donc manger du sanglier aux quatre-épices !

— Mais, Monseigneur, prenez-vous donc les Dames