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SOUVENIRS

réunion d’un conclave ; la France avait ses créatures à protéger, ses antagonistes à déjouer et ses instructions à faire parvenir à M. de Créquy ; jugez de la colère de Louis XIV !

Ce Mattioli commença par déchiffrer les dépêches qu’il avait volées ; ensuite il fit un calcul de vénalité bien naturel avec son caractère et dans sa position, qui n’avait certainement rien de stable ou d’assuré, puisqu’elle ne tenait qu’à sa faveur auprès du Duc de Mantoue, le plus tyrannique et le plus capricieux, le plus avare et le plus pernicieux des principicules italiens. Le Comte Mattioli se rendit en grand mystère auprès du Chevalier Turgot, chargé des affaires de France à Modène, auquel Chevalier Turgot il avait donné rendez-vous sur la frontière de l’État ducal, afin d’y préluder à sa négociation financière. Celui-ci donna conseil à Mattioli d’abandonner à tout jamais la cour de Mantoue et d’aller déposer la même dépêche (arrêtée par ordre du Duc, assurait le Piémontais) entre les mains de l’intendant de Grenoble, M. de Lamoignon, lequel aurait soin d’en récompenser magnifiquement le porteur, aussitôt qu’il en aurait reçu l’autorisation du Roi son maître. La fortune de Mattioli se trouverait assurée, brillante et solidement établie sur une grosse somme d’argent qu’il était venu solliciter de M. Turgot, en rémunération du service qu’il se proposait de rendre à S. M. T. C. Il ne fallait pas oublier d’emporter, avec les originaux français, toutes les versions déchiffrées qu’il en avait pu faire. Enfin, je ne sais tout ce que le Chevalier Turgot put dire à ce Mattioli ; mais tou-