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SOUVENIRS


    mane en Venaissin et Seigneur de Lacoste-Mazan. L’Abbé de Sade, son oncle, qui était un grand-vicaire de Narbonne, avait employé quarante ans de sa vie pour ajuster la généalogie de leur famille, qu’il fait descendre de la belle Laure, et du reste la mère du Comte de Sade avait été Dame pour accompagner la Princesse douairière de Condé. C’étaient desgens de condition, mais très pauvres, et ce qu’on appelait des Marquis du Pape. Ce Comte de Sade avait épousé la fille du Président de Montreuil avec une assez belle dot. Il avait trouvé moyen de s’évader du couvent des Lazaristes et puis du château de Miollans, ôù l’avait fait emprisonner le Roi de Sardaigne. Condamné à mort en 1772, par arrét du Parlement de Provence, il osa se présenter pour purger sa contumace et pour obtenir la révision de son jugement, en 1777. Faute de preuves encore subsistantes, il fut libéré de la peine capitale et renvoyé, pour être emprisonné perpétuellement dans le donjon de Vincennes ; mais on trouva moyen de le faire échapper à Lambesc, après avoir enivré les gens de son escorte. On finit par le découvrir et l’arrêter dans les environs de Paris en 1778. Il a passé treize-ans dans les châteaux de Saumur et de Pierre-Encise, où l’on dit qu’il a composé des ouvrages abominables. La révolution l’a trouvé renfermé dans une chambre de la Bastille, sans papier ni plume, sans relations avec aucun domestique, et réduit à faire lui-même son lit. On lui passait sa nourriture au travers d’un guichet ; mais on ne sait comment il eut connaissance du décret qui rendait la liberté à tous les prisonniers détenus par lettres de cachet, et M. de Launay fut obligé de lui ouvrir les portes de cette forteresse en 1789. On voit dans les journaux, en cette présente année 1792 qu’il les secrétaire de la société populaire de la section des Piques et qu’il y fait des motions contre les tyrans.

    (Note de l’Auteur.)

    Le gouvernement du Directoire n’avait pas manqué de protéger la personne de M. de Sade et d’encourager la publication de ses écrits. La première chose qu’a faite Buonaparte a été d’envoyer cet infâme auteur à l’hôpital des fous à Charenton. À la suite d’une indignité qu’il y a commise, on l’a fait transporter à Bicêtre ; mais comme il y fomentait la corruption parmi les prisonniers, on l’a ramené dans cette maison des fous où la sur-