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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Mme la Duchesse d’Orléans s’étant aperçue d’un léger accident qui venait de survenir à la Princesse de Carignan, laquelle se trouvait assise auprès d’elle, eut la malicieuse attention de la prévenir qu’un de ses sourcils de peau de taupe était tombé sur ses genoux. La Princesse savoyarde, qui n’était pas moins apprêtée que négligente, le mouilla furtivement avec le bout de sa langue afin de le recoller ; mais elle remit les pointes en haut, ce qui lui donna la plus étrange physionomie… Les jeunes femmes n’osaient regarder de ce côté-là de peur du fou-rire ; les personnes régulières avaient redoublé d’attention religieuse et de physionomie dévote, afin de ne participer en aucune manière, et de protester autant que possible contre les facéties de la Duchesse d’Orléans, qu’on n’estimait guère et qu’on ne pouvait aimer. — Mme la Duchesse d’Orléans est comme cela !… disait son mari, le plus résigné des Princes. M. le Dauphin lui dit un jour qu’il devrait s’arranger de manière à ce qu’elle fût autrement, mais on n’a pas vu que le conseil ait été suivi.

    fille a dit à son mari qu’en apercevant cette belle Maguetonne au travers de toutes ces glaces, au reflet doré de sa grande chambre, et toute couverte de brocard émaillé de fleurs avec des perles et des diamans qui scintillaient à la lueur de mille bougies, elle avait cru voir une châsse de reliques et qu’elle avait eu l’idée de se mettre à genoux. Sa demoiselle de compagnie nous a reconduites avec force révérences jusqu’au pied du grand escalier. Comment trouvez-vous cette étiquette à la Spinola di San-Pietro ? »

    (Extrait d’un lettre de Mme de Créquy à M. le Duc de Penthièvre.)