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SOUVENIRS

raine, au Marais, chez M. de Vauville : c’est le nom actuel de M. de la Barre. Je le rencontrai dans la rue ; je montai avec lui ; nous entrâmes au premier, dans un appartement composé de trois pièces, deux chambres et un cabinet ; le tout décent et meublé proprement. Je fis, par habitude, un compliment banal : « Monsieur, vous êtes fort bien logé. — Assez bien, répondit M. de Vauville ; mais ce que j’en aime le plus, c’est que je suis fort bien pour ma besogne. Je suis au large, et je n’ai personne sous moi ni à côté. » Nous nous assîmes, et bientôt entrèrent deux femmes, l’une habillée en domestique et l’autre en demoiselle. Celle-ci paraît avoir trente-cinq à quarante ans. Elle est d’une taille médiocre, ni grasse ni maigre, brune, l’œil grand et bien fendu, la bouche laide et les dents mal ; sa coiffure, sa robe, ses manchettes, tout était simple, mais propre. Elle est connue, dans le troisième volume de M. de Montgeron, sous le nom de sœur Madelon ; elle se nomme aujourd’hui sœur Sion ; elle représente l’Église. Nous parlâmes de l’œuvre de Dieu ; la domestique se tut ; M. de la Barre dit quelques mots et la sœur Sion parla beaucoup. Je faisais des questions avec modestie. Elle avait la bonté de me répondre. Tout ce qu’elle me disait était accompagné d’un regard et d’un sourire qui sont le raffinement de la coquetterie mystique ; la tendresse et la dignité réglaient ses gestes et ses paroles. Après une explication détaillée des dons des convulsionnaires, elle finit ainsi : « Et ne croyez pas que nous soyons pour cela des sainte ; les convulsions sont des