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SOUVENIRS

clouées presque horizontalement, et les bras assez peu étendus pour que les muscles n’eussent pas une tension fatigante ; elle était coiffée d’un toquet de soie bleue à fleurs blanches, et d’un bourrelet. Elle est laide, petite, brune et âgée de trente-trois ans ; ses pieds et ses mains rendaient un peu de sang ; sa tête était penchée, ses yeux fermés, la pâleur de la mort peinte sur son visage. Les spectateurs voyaient couler une sueur froide qui les effrayait ; M. de Vauville s’avance, tire un mouchoir de sa poche, essuie à plusieurs reprises le visage de Rachel, et nous dit, pour nous rassurer, qu’elle représente l’agonie de Jésus-Christ. Je m’approchai de Rachel, et je lui demandai pourquoi elle fermait les yeux : elle me répondit qu’elle faisait dodo. Cet état de crise dura un quart d’heure ; peu à peu la sueur se dissipa, ainsi que la pâleur ; les yeux de Rachel s’ouvrirent ; elle nous regarda d’un air riant, bégaya quelques paroles enfantines, tutoya la Princesse de Kinski, et appela son papa. Elle adressa souvent la parole à M. Dubourg, lui disant que la faculté voulait expliquer ces miracles, mais qu’elle n’y entendait rien ; que Dieu la mettrait sous ses petons. M. Dubourg lui montra des bonbons, et lui dit qu’elle n’en aurait point puisqu’elle le grondait. Elle répondit que lorsque ses meniches seraient libres, elle les lui prendrait. Après toutes ces misères, il parut que Rachel retombait en faiblesse ; elle se taisait, pâlissait. Sion dit d’un air empressé et inquiet : « Mon cher père, il est temps de l’ôter. » M. de Vauville s’approche, la tenaille à la main, et tire les clous. À chaque clou qu’on arrachait, Ra-