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SOUVENIRS

les faits, on est obligé de dire la vérité lorsque le juge l’ordonne, et parce que, relativement aux fidéi-commis, la volonté du législateur et l’intention de la loi se trouvent toujours en opposition directe avec celle du testateur. Le Curé de Saint-Jean s’en était fait une affaire de conscience ; il était allé consulter M. de Beaumont, son Archevêque, et celui-ci défendit au curé, sous peine d’interdiction, de se laisser entre-mêler dans une affaire agencée pour frauder la loi. Mme d’Egmont fut donc obligée de renoncer à l’assistance de son confesseur, qu’elle avait fait remplacer dans le testament de M. de Poitiers par une autre personne dont je n’ai pas su le nom, parce qu’elle avait exigé de rester inconnue. Les héritiers naturels du Vidame, qui étaient le Marquis de Lusignan, le Marquis de Turpin et le vieux Duc de la Vallière, n’avaient fait aucune espèce de chicane, et Mme d’Egmont me dit quelques mois après, avec un air assez embarrassé, qu’elle avait fait venir M. de Guys dans une église, où elle s’était rendue à pied, sans suite et sans toilette, et qu’elle lui avait fait la remise de deux cent vingt mille livres, en assignations de rentes, ce qui était le produit de la vente des pierreries et de l’argenterie du Vidame de Poitiers. Je m’aperçus que son front rougissait en me parlant, et je crus m’apercevoir qu’elle aurait désiré m’en dire un peu plus, mais je ne fis rien pour provoquer sa confiance ; je sentis qu’elle en pourrait arriver à des confidences ou des explications dont je me trouverais embarrassée, parce que je ne voulais pas l’encourager dans ses attendrissemens, et parce qu’il m’aurait été pénible de la ser-