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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

exemple, qu’elle avait fait faire à grands frais, pendant son émigration, une expertise avec des plans, des devis, des lavis, des arpentages et des estimations à n’en pas finir, avec les relevés des produits des baux, réserves et redevances depuis plus de cent cinquante ans, pour une certaine terre du Waterland dont elle venait d’hériter ; et quand elle fut bien au courant de la valeur de ce beau domaine, qui pouvait rapporter cent quarante mille livres de rente, elle s’empressa de le donner pour quatre cent mille francs, une fois payés, par la raison, disait-elle, que les digues du Zuiderzée et du lac Swallue, qui sont à soixante lieues de là, lui avaient paru d’une construction défectueuse, et parce que la Hollande allait être infailliblement engloutie sous les eaux de la mer. Voilà comme elle a toujours administré sa fortune, et voilà ce qui fait que nous la voyons réduite à vivre aujourd’hui du reste de ses capitaux qu’elle a mis en viager, après avoir hérité de cinq à six cent mille livres de rentes en biens superbes.

Elle avait également hérité du chef de sa mère, qui était une Comtesse de Wassenaar (des Burgraves de Leyde), elle avait hérité d’une si grande quantité de vaisselle d’argent qu’on n’a jamais rien vu de pareil, à moins que ce ne soit chez des souverains, ou si ce n’est en Hollande, où la dignité des familles de l’ordre équestre les empêche de ne jamais rien vendre et ne rien échanger de leur mobilier, auquel on peut ajouter, mais voilà tout. Elle avait en outre une admirable collection de tableaux flamands, avec un si grand nombre de chinoiseries