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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

il a été proféré chez les Ursulines de Chaillot ! Elle aimait naturellement les beaux Messieurs, mais c’était à condition que leur blason n’eût rien de vulgaire et que leur nom parût grandiose ; il y avait dans son cœur de marquise et de femme galante une étrange fibre en irritation. — Voyez donc le jeune Marquis de Grancey, comme il est beau ! — Fi donc ! répondait-elle, il a des armes affreuses, des armes à fond bleu, c’est tout dire ! avec un tas de petites pièces comme un anobli par l’Hôtel-de-Ville ; et puis il a nom Rouxel, et c’est horrible à penser !… Comment peut-on s’appeler Rouxel ?

Je puis vous dire, au surplus, que j’ai connu deux filles de qualité, Mesdemoiselles de Comminges, dont l’une avait refusé d’épouser le Comle d’Effiat à cause de son nom de Coiffier-Ruzé, qui lui semblait ridicule, tandis que sa sœur ne voulut jamais se marier avec le Marquis de Porcelets, parce que les armes de cette grande et ancienne famille sont trois sangliers, qu’elle appelait des cochons, en dépit du vocabulaire armorial. Le caractère de préoccupation pour l’Héraldique est un de ceux qui nous manquent dans La Bruyère. Il n’était pas si rare autrefois, et quand on s’étonnait de ce que cet ingénieux écrivain n’en avait fait aucune mention dans son livre des Caractères, Mme de Coulanges nous disait que La Bruyère ne savait rien du blason, que c’était la seule raison qui l’avait retenu d’en parler, de peur de s’aventurer dans quelque bévue, et qu’il en avait montré devant elle un vif regret. C’est une manière de science qui n’allait guère à des roturiers, et dont les bourgeois n’avaient pas à s’occuper autrefois. On