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SOUVENIRS

d’aplomb sur mes derniers chapitres, et je n’en disconviens pas. Mais dites-moi donc, monsieur le philosophe économiste, ou monsieur l’auteur d’un Voyage sentimental, à qui la faute ? et de quoi pourrais-je vous parler, sinon des choses auxquelles on s’intéressait de mon temps ? car alors on s’occupait de l’héraldique et des procès nobiliaires, et l’on s’en occupait avec autant d’intérêt que vous pouvez le faire aujourd’hui d’un mensonge encyclopédique de M. Dalembert et d’un plagiat littéraire de M. de Guibert. On plaidait quelquefois pendant quatorze ans et l’on dépensait quatre-vingt mille francs pour une ancolie sur un tourteau de sable[1]. Si l’on fait imprimer ces Mémoires et si l’on parle de moi comme auteur, on pourra dire que j’avais les défauts de mon siècle avec ceux de mon âge, et c’est le pire qui m’en puisse arriver. Aussi bien, suis-je peut-être la dernière personne qui puisse écrire en français sur les armoiries et les généalogies de la noblesse de France. Prenez tout ce que j’en ai dit comme si c’était une chronique, une légende, une sorte de complainte. Prenez que ce soit une litanie funéraire ou la psalmodie d’un libera, si vous voulez, et n’en parlons plus.

Voici venir la querelle des parlemens, et la révolution ne tardera pas. Il n’est pas moins naturel d’aimer son siècle que d’aimer son pays. Nous allons assister aux funérailles de l’ancien régime, et j’aurais voulu faire en sorte, au moins, que son effigie fût ressemblante.

  1. Allusion au procès du Baron de Robertmesnil contre la famille Ancholy de Mareuil.
    (Note de l’Éditeur.)