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SOUVENIRS

saurait être pourvue d’une autorité décisive, à moins d’être établie sur une démonstration mathématique ou sur une expérience physique. Ainsi l’athéisme n’est qu’un doute et ne saurait être une persuasion. Il y a dans les dispositions naturelles de l’homme qui ne veut rien croire, ainsi que dans les dispositions naturelles de l’homme de foi, une force d’obligation qui l’entraîne invinciblement à croire quelque chose, j’entends quelque chose d’occulte et de mystérieux. Les hommes ont tellement la conscience de leur infirmité d’origine et de l’existence d’un mauvais principe ; ils ont tellement besoin de croire à l’existence d’un bon principe, ainsi qu’à l’action de quelque puissance formidable ou secourable pour eux, que l’impiété systématique de Voltaire n’avait abouti qu’à transporter ce principe naturel de la foi sur d’autres objets de croyance ; et vous allez voir que le plus beau temps de l’incrédulité philosophique était devenu l’époque de la crédulité la plus aveugle pour les évocations, les apparitions, les divinations et autres jongleries des plus effrontés charlatans. On refusait hommage au Créateur, et l’on vouait à la lune un culte d’amour ; on ne voulait plus croire à la divinité du Verbe, mais on croyait à la toute-puissance de Cagliostro sur les esprits de l’air ; on osait démentir la révélation divine ainsi qu’elle est déposée dans nos livres saints, et l’on adoptait toutes les recettes et les formules qui sont contenues dans un certain bouquin jaune où vous trouverez notamment que, « pour obtenir du basilic et du thym de qualité supérieure, il faut les semer avec force outrages et malédictions. »