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Page:Créquy - Souvenirs, tome 4.djvu/91

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

« Arriva le Vendredi-Saint. Vous savez que, suivant l’usage espagnol, si l’on s’intéresse à une femme, on la suit ce jour-là d’église en église pour lui présenter de l’eau bénite ; c’est peut-être aussi par jalousie, dans la crainte qu’un autre ne profite de votre absence et de cette occasion-là pour faire connaissance avec votre Dulcinée ; mais toujours est-il que je suivais ce jour-là une jeune Honorata à laquelle j’étais attaché depuis plusieurs années, et que, dès la première église où elle entra, le Commandeur l’aborda familièrement pour lui présenter de l’eau bénite, en se plaçant entre nous deux de manière à me tourner le dos et à me marcher sur les pieds, ce qui fut remarqué par des Français. Ceci ne pouvait rester impuni.

« Au sortir de cette église, j’abordai mon homme d’un air de froideur, en lui demandant d’abord de ses nouvelles, et puis dans quelle autre église il comptait aller pour y faire sa seconde station.

— « Je compte aller à l’église Magistrale de Saint-Jean, répondit-il. Je lui proposai de l’y conduire par le chemin le plus court, et je fus étonné de le voir me répliquer avec le ton le plus poli : — Je serai charmé de m’y rendre à la suite de votre Seigneurie Illustrissime, que je remercie très sensiblement et très humblement pour sa prévenance et sa politesse. Je le menai sans qu’il s’en doutât jusque dans la Strada-Stretta, où je m’empressai de tirer l’épée, bien assuré du reste que personne ne viendrait nous