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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

 
« Armande a pour esprit l’horreur de la satire !
Armande a des vertus dignes de ses appas.
Elle craint les railleurs que toujours elle inspire.
Elle fuit les amans qui ne la cherchent pas, etc. »

Mlle Necker ou Mme de Staël était ridiculement jalouse de sa mère, et particulièrement à l’égard du cœur de M. Necker, qu’elles se disputaient et voulaient s’arracher de manière à le mettre en lambeaux[1]. La mère et la fille vivaient si mal ensemble, qu’elles passaient des mois entiers sans s’adresser la parole ; mais, lorsque Mme de Staël a perdu sa mère avec laquelle elle se conduisait si tendrement, elle en a fait des lamentations interminables, et c’est toujours autant, pour la gloire de la famille. Le père et la fille ont fait arranger le corps de Mme Necker, avec de l’esprit de vin, dans un grand bocal de verre, ainsi qu’une curiosité d’histoire naturelle ; il est déposé dans un pavillon du jardin de Coppet, et l’on dit que c’est la chose la plus horrible à voir.

Ce fut la Reine Marie-Antoinette à qui vint la pensée de faire épouser Mlle Necker au Baron de Staël, Ambassadeur de Suède à Paris. — Elle est bien laide et c’est un bel homme, disait cette Princesse ; il est très-pauvre, mais elle est très-riche, et,

  1. Mme de Staël a cru devoir confier au public que, lorsqu’elle se représentait M. Necker dans sa jeunesse, c’est-à-dire lorsqu’il était si beau, si jeune, et si seul, elle éprouvait toujours un regret inconsolable de n’être pas née sa contemporaine.
    (Note de l’Éditeur).