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SOUVENIRS

Vicomte), et je m’écrie : — Chez moi !… Mon cocher ne manqua pas de couper cette voiture où se trouvait la Maréchale que je ne saluai point, à qui je n’ai reparlé de ma vie, et à laquelle on m’a plusieurs fois reproché de n’avoir pas rendu ses révérences. Le Maréchal de Beauvau son frère, et la Maréchale, sa belle-sœur, ne la traitaient pas différemment. Elle était devenue pour sa famille et dans notre société comme une brebis galeuse ; mais elle allait s’en consoler avec le Passe-dix et le Macao du Roi. Pauvre joueuse ! À présent que notre irritation s’est apaisée, nous disons souvent, en parlant de Mme de Mirepoix, son frère et moi : — Quel dommage ! Et c’était le refrain général de son temps ; car on ne pouvait s’empêcher de l’aimer, tout en la blâmant avec amertume ; elle avait été pendant quarante ans mon amie la plus intime, et c’est précisément par cette raison là que je lui montrai plus de sévérité.

Mme du Barry me sembla belle à la façon d’une image, ou plutôt des figures de cire, avec des yeux fixes et des paupières mal garnies. Sa toilette était en dehors de la mode, avec la prétention de la diriger ou de la devancer, ce qui est toujours une enseigne de mauvais goût. Nous la retrouverons vingt-quatre ans plus tard à Sainte-Pélagie, la malheureuse, et vous verrez que ses toilettes de prison n’étaient guère moins recherchées que ses toilettes de cour.

Cet imbécille de Vicomte, à qui tout le monde jetait la pierre, avait une étrange manière de se disculper de son obséquiosité. Il racontait que son