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SOUVENIRS

mari par ses lésineries, sa parole acerbe et sa domination revêche. Je l’avais beaucoup vue chez sa belle-sœur et ma bonne amie, Mme de Saint-Florentin ; je connaissais fort bien ses défauts, qui ne me déplaisaient pas trop, parce qu’elle était bien naturelle, et je ne la haïssais pas du tout, parce qu’elle avait un véritable attachement pour moi ; j’avais beau la gronder ou la rebuter, rien n’y faisait.

Mon Dieu ! faut-il que j’aye eu du guignon pour aller m’affectionner à une mauvaise comme vous, qui me malmène sans fin ni cesse et sans rime ni raison, me disait-elle dans son beau langage du temps de la régence, car elle et M. de Richelieu s’étaient perpétués dans cette affectation de vulgarité qui était devenue pour eux une seconde nature. — Vous criez sus moi parce que j’tracasse, à ce que vous dites, et que j’ruchonne toujoux ; mais quèque vous voudriez, poursuivait cette drôle de femme en se revêchant, quèque vous voudriez que j’aurais pris l’habitude de faire à Pontchartrain, quarante années durant par lettres d’cachet, sinon de m’en r’chigner, d’grogner tout le monde et d’ménager pour payer nos dettes avec celles de M. de Pontchartrain, qui fait l’Salomon, de M. de la Vrillière, que Dieu confonde !… et puis celles de l’Archevêque de Bourges, qui fait r’bâtir des châteaux pour son imbécile de frère ; et jusqu’à M. le Marquis de Phélippeaux, qui se trouvait avoir des dettes. C’est que j’en ai payé pour onze millions, si vous plaît, tout en lésinant comme vous dites ; et j’avais tout d’même cent treize domestiques à payer et cent dix-sept personnes à nourrir tous les jours ! C’est indigne à vous de jeter la