Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
SOUVENIRS

au nord, il y avait un certain meuble de cent pièces qui n’avait eu rien à souffrir du soleil, mais qui n’en sentait pas moins son ancien temps, car il était composé d’un assemblage de petits morceaux de velours de toutes sortes de couleurs, lesquels étaient coupés en triangles, et se trouvaient encadrés par un cordonnet en fils d’or, qui recouvrait toutes les coutures et qui brochait sur le tout comme une espèce de grillage. Je crois bien que ce meuble était contemporain du Phélippeaux d’Henri III, qui était le grand-père du Chancelier de Pontchartrain, ce qui n’empêchait pas la Comtesse de Maurepas de chercher à s’en défaire, afin d’en acheter un autre à la dernière mode, supposait-elle, et c’est-à-dire à larges raies de velours vert, alternées avec des bandes de tapisserie blanche à petites figures : elle avait cette élégance-là dans l’imagination. — J’y mettrai jusqu’à deux mille pistoles, disait-elle, et voyez la belle somme pour meubler toute une galerie !

Vous devriez me rendre m service, et voyez-vous bien celle nouvelle mariée ? me dit-elle un soir, en me montrant la Csee siècle de Beauharnois qui venait d’arriver dans cette grande salle, — Vous devriez bien aller vous asseoir à côté d’elle et lui faire entendre qu’elle devrait acheter notre grand meuble d’ici, qui est de cent pièces, pour envoyer dans son château des Roches en Poitou, que son mari va faire remeubler. Dites-lui donc finement que ce serait superbe à la campagne, et faites-lui penser que nous consentirions peut-être à le lui céder, parce que MM. de Beauharnois sont parens des Phélippeaux d’Herbaut, par les Nesmond, du