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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

ne voit absolument que des gens de la cour, dont la conversation lui rappelle assiduement ce grand malheur dont elle gémit en secret. On ne parle jamais du Roi, de la Reine, de Mesdames, d’une présentation à Versailles et d’un grand-habit, qu’elle n’en éprouve des angoisses intérieures si violentes, qu’elle ne peut souvent les dissimuler qu’en changeant de conversation. Elle a, d’ailleurs, pour dédommagement, toute la consistance ou la considération que peuvent donner beaucoup de faste, une superbe maison, un excellent souper, de brillans équipages et des loges à tous les spectacles. Au reste, elle n’aime rien, s’ennuie de tout, ne juge jamais que d’après l’opinion d’un autre : et joint à tous ces travers de grandes prétentions à l’esprit, beaucoup d’humeur et de caprices, et néanmoins une extrême insipidité. Quoique fort orgueilleuse d’être une fille de condition, et quoiqu’elle ait fini par se persuader qu’elle était fille de qualité, elle ne montre pas les moindres égards pour son père, parce qu’il a quitté le service et le monde, et qu’elle n’en attend plus rien. Elle aime infiniment celui de ses oncles qui remplit un ministère de confiance à Versailles, où la feuille des bénéfices se trouve confiée à la sagesse de ce prélat, ce qu’on aurait de la peine à s’expliquer raisonnablement. Elle ne s’occupe jamais et n’aime pas du tout Mme de Senneville sa sœur, qu’elle ne regarde que comme une provinciale. Allez donc lui rappeler qu’elle a une sœur religieuse et que vous êtes chargé de lui demander un entretien à ce sujet-là. Olympe vous fera dire qu’elle est chez elle tous les matins ; on vous fera traverser une longue et superbe enfilade de pièces dorées, au bout de laquelle est un charmant petit cabinet ; vous y trouverez Olympe nonchalamment assise sur un canapé, et lisant plus nonchalamment encore une brochure nouvelle qu’elle ne prend, j’ima-