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SOUVENIRS

Maurepas lui disait un jour. — La douairière de Créquy, Madame ! elle est courageuse et résolue comme un dragon ! si les sonnettes étaient dérangées chez elle, elle est capable de m’ouvrir les deux battans de ses portes à elle toute seule, et je suis sûre que les ampoules ne lui seraient de rien ? ) J’étais donc arrivée dans mon salon dont la porte était ouverte, et c’était sans aucun bruit par la raison que vous savez, puisque je ne fais jamais ôter mes tapis. J’aperçois M. le Prince de Lamballe, et non pas le Marquis de Pombal, Ambassadeur portugais, qui regardait fixement cette figure de femme avec une expression tellement étrange…

— Chère maman !… qui vous a donné ce portrait ? comment se trouve-t-il ici ?…

— Mais, Monseigneur, c’est Monsieur le Duc de Penthièvre, qui me l’a donné !…

— Mon père ?… c’est mon père !… Et le voilà qui tombe comme un foudroyé, sans avoir eu le temps de chanceler ni de pâlir.

Mon premier soin fut d’envoyer défendre ma porte, et je ne voulus le faire soigner que par notre fidèle Dupont, sa femme et leur neveu, parce que ce sont des gens à l’épreuve, et que je craignais qu’il ne parlât plus qu’il ne le voudrait.

Son évanouissement se termina par une hémorragie tellement violente, que tous ses vêtemens, et surtout sa veste et sa cravate, étaient couvertes de sang, au point qu’on fut obligé d’envoyer à l’hôtel de Toulouse afin d’en rapporter d’autres habits.

J’aurais voulu pouvoir le consoler et le rassurer,