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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

main, les jours suivans, et jusqu’à la fin de l’automne. Je n’avais qu’une petite porte du parc à franchir. J’arrivais presque toujours le premier ; j’apportais de l’herbe pour la chèvre, qui s’en retournait les mamelles remplies. Nous faisions des chapelles et des cabanes avec des branchages, et nous faisions des bouquets et des guirlandes avec des fleurs des champs. Je lui disais : Geneviève, voilà de l’argent pour ta mère, et je te donnerai pour tes étrennes une belle croix d’or… — Avec un cœur d’argent, disait-elle en éclatant de joie. — Avec un cœur d’or comme la croix ! — je t’aime tant, ma Geneviève, je t’aime tant, je voudrais pouvoir te donner tout ce que je possède et tout ce que j’aurai jamais ! — Oh ! moi aussi, monsieur Louis !… Mais c’est que je n’ai rien pour vous, reprenait-elle avec un air de tristesse et de résignation douce et confiante.

« Je me souviens qu’un jour elle me fit présent d’un bouquet de primevères des bois, des primevères d’un jaune pâle, qu’elle avait cueillies pour moi. Je l’ai toujours gardé, ce bouquet ; il est dans une cassette où j’ai serré tout ce que j’ai de plus précieux : une prière écrite par saint Louis, une relique de la vraie Croix, une lettre de notre aïeul Henri IV, un bracelet de perles avec un portrait de ma mère, enfin des cheveux de ma sœur, et les primevères de ma pauvre petite amie, ma première amie, ma douce Geneviève !

« Un jour, à la fin d’octobre, elle ne vint pas à nos rochers où je l’attendis jusqu’au soir. Je