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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

fus-je dire à cette chair inanimée, à cette figure morte, à ce cœur inerte et ces entrailles muettes, — Oh ! soyez en paix ! j’aime votre fille, je l’aime, votre enfant ! je la respecterai, je l’aimerai comme on aime les anges du ciel, avec qui vous allez veiller sur elle !… — Je l’épouserai… (lui dis-je avec l’accent d’une voix si profonde et si mâle, que j’en fus surpris moi-même et que ma propre voix me fit tressaillir, comme si j’avais entendu parler un autre que moi ?) — J’épouserai Geneviève, Geneviève Galliot, votre fille ! je le jure sur la sainte image du Christ que je fais toucher à vos lèvres… Et puis je me sentis le cœur inondé d’attendrissement et dominé par un sentiment de respect ; je m’agenouillai sur le bord de la couche mortuaire, je découvris discrètement le corps de la défunte et je pris sa main rurale et gercée, sur laquelle j’appliquai religieusement un baiser filial.

« Pauvre Suzanne Faure, veuve Galliot, je vous ai tenu parole, et le nom du mari de votre fille est Louis de Bourbon, Prince de Lamballe et de Corentin. — Vous ne me connaissez pas, Marquise de Créquy ; vous connaissez la modestie de mon père, mais vous ne savez pas combien mon cœur a de simplicité ? c’est à me faire douter quelquefois que je sois né du sang royal… »

Je lui répondis de ne pas tomber dans les déclamations philosophiques et les amplifications d’écolier. Il me raconta les funérailles de Suzanne et la bonne éducation de Geneviève, et l’histoire de leurs