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SOUVENIRS

vité de sa maladie. Pour s’affranchir du blâme, il aurait eu le bon moyen d’en faire connaître la cause ; mais il pensait que la personne et la famille de son beau-frère en seraient diffamées à tout jamais, et du reste il n’aurait pas voulu faire une telle révélation sans en avoir obtenu l’autorisation du Roi. On se ménageait alors entre Princes du sang, et M. de Lamballe a toujours dit : — Je ne le verrai plus, mais je n’en parlerai point : je ne veux pas déshonorer les enfans de ma sœur.

Il était donc renfermé dans son appartement de l’hôtel de Penthièvre, où je le trouvai consumé du plus sombre chagrin. Il n’osait aller à Clamart, où les tristes nécessités de sa situation n’auraient pu manquer d’exciter de la surprise, et puis des alarmes, et puis des tourmens jaloux… (Je ne sais si vous me comprenez ?) Il avait reçu de Mme de Saint-Paër une lettre délirante et déchirante. Ils ne s’étaient pas vus depuis quinze jours, elle allait arriver à l’hôtel de Penthièvre !… Il avait pris le parti de lui répondre avec sévérité. — Je vous le défends, Madame ; il y va de l’honneur d’un prince !… — Eh ! Qu’avez-vous fait là ? m’écriai-je ; vous la donnez belle à Mme de Saint-Paër, avec l’honneur de ce prince que vous voulez ménager à ses dépens et quelle interprétation effrayante et lamentable ne va-t-elle pas tirer de cette ambiguïté !… Mme la Duchesse de Bourbon vint nous interrompre, et nous dit que son frère était malade, à ce qu’elle croyait, la chère princesse, mais ce qui n’était nullement vrai. Il avait fait dire la même chose à M. de Lamballe, apparemment dans l’intention de faire