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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Beauvau qui lui dit un mot à l’oreille. — La Marquise de Saint-Chamond, lui Sa Majesté, je suis bien aise de la voir ! Ce fut une marque de bonté dont je fus réjouie jusqu’au fond de l’âme, et la pauvre femme en pleura de joie. Elle habite les terres de son mari depuis plusieurs années, et c’est une contrariété pour nous deux.

Je terminerai mon chapitre des mésalliances en vous parlant du mariage du Comte de Vaulx avec Mlle Julie Simonnet, surnommée Philis ; elle avait été figurante à l’Opéra ; son père était un infirmer de l’Hôtel-Dieu ; sa mère vendait des souricières, et sa sœur était danseuse de corde. Son imbécile de mari s’était figuré qu’avec cinquante mille écus de rente, il ne pourrait manquer d’amener l’opinion publique à composition ; mais il avait beau donner des bals parés ou masqués et des concerts italiques avec des soupers d’Apicius, il ne s’y rendait absolument que de l’égrefinage, et c’étaient des magnificences en pure perte. Cette femme eut un singulier démêlé avec le Président d’Hozier, Juge d’Armes de France, et voici pourquoi : elle avait fait mettre les armes de son mari sur ses carrosses, et (pour faire comme tout le monde) elle y fit ajouter des armoiries de communauté ; mais il se trouva que ces armes qu’elle avait choisies, comme étant de son chef, étaient celles de MM. de Mauléon, qui sont des gens de qualité du duché de Guyenne. On procéda contre elle, et toutes les fois que la Comtesse Philis se hasardait à sortir dans un carrosse armoirié doublement (le Président d’Hozier la faisait guetter), on l’obligeait à mettre pied à terre au milieu de la rue,