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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

« Que tu changeais en ambroisie,
« Tu te livrais à la folie
« De l’amant heureux et trompé
« Qui t’avait consacré sa vie ?
« Le ciel ne te donnait alors,
« Pour tout rang et pour tous trésors,
« Que les agrémens de ton âge,
« Un cœur tendre, un esprit volage,
« Un sein d’albâtre et de beaux yeux.
« Avec tant d’attraits précieux,
« Hélas ! qui n’eût été friponne !
« Tu le fus, objet gracieux !
« Et, que l’amour me le pardonne !
« Tu sais que je t’en aimais mieux.
« Ah ! Madame, que votre vie,
« D’honneurs aujourd’hui si remplie,
« Diffère de ces doux instans !
« Ce large Suisse à cheveux blancs,
« Qui ment sans cesse à votre porte,
« Philis, est l’image du Temps ;
« On dirait qu’il chasse l’escorte
« Des tendres amours et des ris :
« Sous vos magnifiques lambris
« Ces enfans tremblent de paraître…
« Hélas ! je les ai vu jadis
« Entrer chez toi par la fenêtre
« Et se jouer dans ton taudis !
« Non, Madame, tous ces tapis
« Qu’a tissus la Savonnerie,
« Ceux que les Persans ont ourdis
« Et toute votre orfèvrerie ;
« Tous ces plats si chers, que Germain
« A gravés de sa main divine ;
« Tous ces cabinets où Martin