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Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/25

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

dame du lieu sur un banc de pierre et sous un tilleul, à la porte de son castel : elle avait à ses pieds une de ses chambrières, accroupie sur l’herbe et sur ses talons, qui lui faisait la lecture d’Hippolyte Comte de Duglas, tandis qu’une petite paysanne sale et joufflue se tenait debout sur le même banc, pour y manœuvrer avec un grand plumail dont elle s’escrimait contre les guêpes. On voyait, à distance respectueuse, un garde-chasse armé jusqu’aux dents, et c’était à cause des loups enragés, ce disait-il. Notre belle dame était dans un grand peignoir d’étoffe de paille brodée de grosses pivoines en laines de couleur ; elle avait un masque gris bordé de paillettes, et d’énormes gants de nuit qui sentaient la vieille pommade au serpolet. Grands complimens, force doléances sur notre mésaventure, et mille imprécations contre les intendans, qui ne s’occupent jamais des chemins que lorsque le Roi doit y passer. C’est toujours le même refrain de la part de certains hobereaux et de leurs hoberelles, qui ne font jamais servir la corvée qu’à leur profit métayer. Comme il commençait à pleuvoir, on décida qu’il était bon d’entrer dans le château, et le garde-chasse se mit en avant-garde, afin d’éclairer la marche. On n’avait que la cour à traverser ; mais, quand on a des loups enragés dans la cervelle, les loups enragés se fourrent partout.

Je n’entreprendrai pas de vous faire une description détaillée du manoir féodal de Fontenay, et je vous dirai seulement qu’il y pleuvait dans les chambres à peu près autant que dans la cour ; mais c’était avec la différence que le pavé de la cour finis-