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Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/7

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

agenouillé pour recevoir ses bénédictions, qu’il allait distribuant de gauche à droite avec un esprit de méthode et d’équi-Latération parfaites.

C’était un Cardinal-Légat a Latere, qui s’en allait de son diocèse d’Amiens dans son diocèse de Nantes. Il avait été pourvu d’un Patriarchat, d’un Archevêché syriaque et de cinq à six Évêchés, suivant l’usage du temps. Il était précédé d’un porte-croix et suivi d’un physicien, d’un exorciste, et de cent archers à ses livrées. On voyageait au pas des mules, et quand il survenait un orage, on se réfugiait dans une église avec les archers et les mulets. On n’allait dîner, souper ni coucher que de couvent en couvens, et de prédilection chez les Bénédictins ; mais on n’y restait jamais plus de 26 heures ; c’était une affaire de conscience et de bienséance indispensable. Quand la journée du lendemain se trouvait pluvieuse, il pleuvait sur le Cardinal et ses fiocchi porporati.

En arrivant à Vendôme, et sur le parvis de l’église de la Trinité, dont ce Cardinal était Abbé Commandataire, il y trouva grand tumulte au milieu d’une foule empressée de toute sorte de gens. C’étaient de gros et rouges bourgeois pourpointés de calmande bariolée et chaperonnés à l’Angevine, avec leurs femmes en surcol de fin drap d’Amboise et leurs poupards emmitouflés, et leurs fillettes embéguinées à la mignonnette. Comme c’était un jour de franche-foire, il y avait là des vignerons bas-percés, du plat pays, côte à côte avec des Beaucerons, métayers cossus. On y voyait des Percherons, villageois à tous crins, des Montdoublotiers, curieux à mal faire, et des