Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

inédite et que l’abbé Cochin nous racontait à peu près toutes les fois qu’il était question de M. Bignon ; c’est encore une historiette de séminariste, et la voici. Il y avait deux jeunes curés du diocèse de Paris qui avaient écrit au supérieur de Saint-Sulpice pour le questionner sur deux cas de conscience : un d’eux s’informait quel était précisément l’âge indiqué par les canons pour une femme qu’on admettait dans un presbytère à titre de gouvernante ; et l’autre demandait s’il était permis de porter perruque et de cacher sa tonsure en officiant, lorsqu’on était sujet à des fluxions sur les yeux. Le supérieur y répondit catégoriquement, et donna ses consultations à l’abbé Bignon pour y mettre les adresses des deux curés comme elles se trouvaient au bas de leurs lettres. Celui-ci commença par prendre lecture des pièces afin de connaître l’affaire, à laquelle il procéda le plus méthodiquement du monde. Ce fut avec tant de jugement que celui qui s’informait de la gouvernante reçut pour réponse qu’il la fallait

    espèces, et si j’y sentais trop de répugnance pour pouvoir la consommer ainsi qu’il se doit, je la prendrais au bout d’une épingle et je la brûlerais à la flamme du cierge. — C’est bon à savoir, se dit le petit Bignon, que l’Évêque ne voulait pas admettre dans les ordres ; et, comme il avait entendu qu’on remuait à la porte, et qu’il se douta que l’autre avait écouté l’Abbé de Damas, il lui dit, pour se moquer de lui : — S’il entrait inopinément dans l’église un âne, et qu’il allât boire l’eau du bénitier, que feriez-vous ? — Monseigneur, répondit ce mignon Bignon, je tâcherais de l’avaler, et, si j’y sentais trop de répugnance pour le consommer, je le prendrais avec une épingle et je le brûlerais à la flamme du cierge, il paraît que l’évéque ne put s’en taire avec le Cardinal de Noailles. »

    (Note de l’Édit.)