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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

elle n’a fait ni mauvais trait de noirceur, ni, j’en suis sûr, une seule menterie… La Duchesse de Choiseul m’a dit que la nièce du Président Hénault, Mme de Jonzac[1], n’avait pu jamais réussir à lui faire changer de conversation pendant toute la soirée ; quand il avait fini sur le panégyrique, il argumentait sur le parallèle ; et Mme du Duffand se donnait au diable en faisant bonne contenance autant qu’il se pouvait. Elle avait renvoyé son carrosse, et vous pouvez juger de son embarras ! Le Président Hénault était tombé en enfance dès l’âge de 80 ans ; et ceci peut expliquer l’idée qu’il avait eue de me faire un legs de cent louis pour m’acheter une bague.


Je vous parlerai présentement d’un personnage dont je ne vous ferai pas un grand éloge et pour qui je vous demanderai votre indulgence. Désiré Bernard, surnommé le Gentil', était un beau garçon robuste comme un chêne et fleuri comme un rosier ; il était franc comme un jonc et doux comme un bon fruit. Mais il était toujours ce qu’on appelle entre deux vins, ce qui ne l’empêchait pas de garder une contenance et de rester dans une mesure parfaite, et ce qui lui donnait seulement je ne sais quel

  1. Marie-Françoise-Gertrude Hénault d’Amorézan, mariée en 1713 à Pierre-Louis-Joseph d’Esparbès de Lussan-Bouchard d’Aubeterre, Comte de Jonzac et Vicomte de Saint-Martin-sur-Gironde. Elle est morte de la petite vérole en 1779.
    (Note de l’Auteur.)