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SOUVENIRS

n’était pas arrivée, mon fils n’aurait pu manquer de se brouiller avec Monsieur pour cette raison-là. C’était bien la peine d’avoir économisé trois millions huit cent mille livres en cinquante-huit ans, pour ne pas opérer le retrait de votre premier domaine, et pour acquérir ces belles qualités de Duc d’Alençon, Comte du Perche et de Nogent-le-Rotrou ! c’est-à-dire que j’en pleurais d’y penser, et que votre père en serait mort de rage ! Le Roi n’approuvait pas cette imagination de son frère, mais il aurait fallu se fâcher avec Monsieur, quitter la maison de Madame, et je vous assure que ce beau patronage, accordé par Innocent III en 1212, nous a fait passer de tristes journées en 1777.

L’anné Delille n’avait jamais été que simple tonsuré ; il avait toujours refusé d’entrer dans les ordres ; il a fini par épouser Mlle Vaudecham qui, disait-on, n’était pas facile à vivre ; mais je puis attester qu’il ne s’en plaignait jamais. Il avait accompagné le Comte de Choiseul-Gouffier dans son ambassade à Constantinople, et nous en avait rapporté de curieux détails sur le Comte de Bonneval et la formidable mort de cet apostat[1].

  1. Claude-Alexandre, des Comtes de Bonneval et de Blanchefort, était né vers l’année 1692, en Limousin, où sa famille a toujours marqué parmi la haute noblesse. Il avait épousé Judith de Gontaut, fille du Maréchal-Duc de Biron, dont il n’avait pas eu d’enfant (grâce à Dieu pour elle). Turbulent, arrogant, indiscipliné, brélandier, débauché, duelliste, il avait osé quitter le service de France en temps de guerre, pour aller servir l’Empereur qui le fit général de son artillerie et son conseiller aulique, ce qui n’empêcha pas les tribunaux français