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Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/135

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

pas deux mois s’il ne suivait son avis, dont il ne tint compte ; et le docteur Deslon mourut effectivement six semaines après[1].

J’ai vu cette somnambule, et je l’ai consultée par simple curiosité d’abord, et puis dans un sentiment qui n’était pas du tout l’opposé de la confiance. Elle avait dit à Mme votre mère, en présence de moi, que sa maladie provenait d’une humeur rhumatismale, combinée d’un appauvrissement de la lymphe et fortifiée d’un restant de dépôt laiteux ; rien n’était plus véritable, et la tisane indiquée par elle était un chef-d’œuvre de combinaison médicale, au dire de Marjault, du vieux Lebègue et de l’avis du docteur Sallin, grand ennemi du magnétisme, ainsi que chacun sait. Elle y prescrivait cependant une chose dont les trois médecins ne pouvaient s’expliquer la propriété curative, et c’étaient des feuilles de coudrier. On essayait de n’en pas mettre dans la tisane, et la malade ne s’en trouvait pas si bien ; on en remettait dans la tisane, et la malade s’en trouvait au mieux. Je ne voulais pas la consulter pour mon propre compte, mais on m’en obséda si fortement que je finis par lui confier une de mes mains qu’elle s’appliqua sur l’estomac (au niveau du plexus solaire, disait-elle) ; ensuite elle ferma ses yeux avec un air de satisfaction dont je lui sus tout le gré possible, et cinq minutes après elle se mit à dire en souriant, — parlez-moi de ça.

  1. Charles Deslon, Docteur Régent de la faculté de médecine de Paris et premier médecin ordinaire de Mgr le Comte d’Artois. Il mourur, ainsi que le rapporte Mme de Créquy, le 21 août 1786.
    (Note de l’Éditeur.)