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SOUVENIRS

prince, un homme exquis, lequel a pour toi des entrailles de père, est un impudent bavard, un coquin sans courage et sans vergogne, ce que tout le monde savait déjà. Jusqu’à présent, mon ami, nous avons renfermé la chose entre nous pour en écarter le public, et pour éviter les caquets de Paris ; mais on en parlait hier à Versailles, et si le père d’Orléans s’en mêle, il est à prévoir que le Roi ne te donnera pas raison. Je sais bien qu’il exècre et méprise le Duc de Chartres ; mais ce sera pour la satisfaction des autres princes du sang, et pour l’honneur de la maison royale. Enfin, souviens-toi bien de ce que je t’assure aujourd’hui si tu ne laisses pas ces honorables gens du Palais-Royal essuyer tranquillement toutes les satetés que tu leur as jetées à la figure, on dira que tu fais le bravache, et l’on aura soin d’ajouter avec perfidie que tu n’es peut-être pas tout-à-fait revenu dans ton bon sens. Voilà ce qui te menace à mon avis, et ce que j’ose te dire est la plus forte preuve de bonne amitié que je puisse te donner.

Votre pauvre père en eut encore une indisposition capitale. M. le Duc de Penthièvre avait obtenu de son gendre un acte de désaveu mais cette déclaration parut à mon fils (qui savait à quoi s’en tenir) si lâchement hypocrite et siplatement rédigée, qu’it en éprouva subitement un horrible accès de colère et de mépris les tristes effets de cette émotion se prolongèrent pendant cinq ou six mois. Si je me décide à vous laisser quelques instructions sur un si triste sujet, mon cher petit-fils, c’est afin qu’elles ne vous parviennent pas d’une manière in-