Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/17

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lustre malade, qui devait toujours voir, ainsi que Damoclès, une épée suspendue par un fil au-dessus de sa tête, etc.

M. l’anatomiste, disait Voltaire au docteur Lorry, pourquoi vous étonnez-vous de ce que je me suis confessé ; vous me croyez donc bien impie ?

— Comment donc, lui répondit le docteur,

 « Vous craignez qu’on l’ignore et vous en faites gloire »

Vers de Voltaire, et celui-ci se prit à crier : — « Je veux m’en aller de cette maison-ci ! je ne veux pas être tyrannisé par mes amis, pas plus que par mes ennemis, ni par les savants non plus que par des ânes ; je ne veux pas qu’on jette mon corps à la voirie ! Je suis un enfant de Paris, entendez-vous, un enfant bien né, qui n’a pas été trouvé dans de la paille, et je veux que mes funérailles soient aussi décentes que mon baptême ; j’y veux des cierges à profusion, des cierges allumés ! je veux des tentures noires avec des litres de velours, avec des croix d’argent, des larmes et des franges d’argent, et les armes de M. de Voltaire de tous les côtés. Je veux un drap mortuaire pour me couvrir, un drap superbe, et de l’eau bénite comme s’il en pleuvait ! — Ah ! juste Dieu, que je souffre ! Si ma nièce n’a pas l’esprit de me trouver un autre logement où l’on veuille me laisser mourir tranquille, je vas m’en aller à Ferney ; je mourrai en chemin, ça m’est égal… — Allez au diable ! dit-il à son neveu d’Hornoy qui se disposait à l’interrompre, allez au diable, et