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SOUVENIRS DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

était partout ! Le sol du royaume avait été miné, crevassé, creusé comme un puits d’Égypte, et 93 était au fond du gouffre béant. C’est là qu’il attendait sa proie.

C’est particulièrement la misérable personne et les insolentes pasquinades de Beaumarchais qui m’ont inspiré cette boutade.[1] Beaumarchais ! un corrupteur vénal, un messager d’espionnage ; un homme que la justice avait flétri, que l’autorité ménageait, et que Monsieur, frère du Roi, croyait devoir protéger !…

Je n’entrerai pas, au sujet des intrigues et des ouvrages de ce méchant écrivain, dans certains détails qui traînent partout et qui excéderaient ma patience. Écoutez seulement les tant pis et les tant mieux de l’Abbé Morellet ; il me semble qu’ils sont restés manuscrits, et ce dialogue fictif est la meilleure biographie de l’auteur de Figaro.

— Mon père exerçait un métier des plus faciles ; il ne put jamais réussir à me l’apprendre.

— Ah ! tant pis !

— Ce fut tant mieux, car j’appris alors à jouer de la harpe, et ce petit talent, qui n’était pas commun dans ce temps-là, me fit parvenir jusque dans le salon de musique de Mesdames, filles de France, que je n’aurais certainement jamais approchées, si je n’avais su que raccommoder des montres et monter des pendules.

— Eh bien, tant mieux !

  1. Pierre-Augustin Caron, sieur de Beaumarchais, né en 1732, mort à Paris en 1799.