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Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/178

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SOUVENIRS

tendant que le Roi Très-Chrétien ne dédaignât pas de la soutenir lui-même un peu plus dispendieusement (nous verrons si les Anglais oublierons cela ?). Pour avoir bien vendu à ces nouveaux républicains de mauvais fusils, de mauvais souliers et de mauvais chapeaux, je me fis appeler Beaumarchais l’Américain, ils ne répondirent à cette plaisanterie qu’en me rabattant 80 pour cent sur mes créances, et je partis de là pour publier un manifeste où je traitai lestement un premier ministre appelé M. le Duc de Choiseul, ainsi que M. le Comte d’Aranda, Ambassadeur du Roi d’Espagne et des Indes à la Cour de France.

— Mais ce fut tant pis, sans doute ?

— Oh ! pas du tout ! ces deux messieurs n’y prirent pas garde, et les Américains s’imaginèrent que j’étais un des plus puissans personnages de l’Europe. Pour occuper les loisirs que ces grands intérêts laissaient à mon activité, j’entrepris une édition des œuvres de Voltaire que je finirai peut-être…

— Et ce sera tant mieux pour nous ?

— Tant pis pour moi ! car je n’y profiterais pas, et j’aime mieux l’argent des souscriptions que la satisfaction des souscripteurs. Enfin, je fais des comédies prodigieusement spirituelles ; on me refuse de les laisser jouer, en disant qu’elles sont immorales et mal écrites, en disant qu’elles sont calomnieuses, ordurières, impies, etc. Vous n’avez pas d’idée de tout ce qu’on reproche à mes comédies…

— Tant pis !

— Tant mieux ! car, après les avoir défendues