Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/197

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
193
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

la route et dans l’avenue qui mène à Longchamps à l’heure des Ténèbres, mais, en l’année 1789, il y avait plus de cinquante ans que cette promenade, pendant la Semaine-Sainte, n’avait plus d’autre objet que celui de regarder ou de se montrer ; et les personnes régulières n’y paraissaient jamais que le Jeudi Saint, après l’heure des stations dans les paroisses.

À l’époque où l’entrée de l’église de Longchamps n’était pas encore interdite, il s’y faisait une telle presse que la moitié du monde n’y pouvait entrer, et je me rappelle que les Dames-du-Palais de service y arrivaient de Versailles en grand habit, les officiers des gardes en uniforme, et les femmes de finance avec tous les diamans de leurs écrins. J’étais une fois bien tranquille et bien modestement assise au bas de l’église, où j’entendis Mme Poupelinière qui disait à côté de moi que Mme de Créquy, Mme de Marsan et Mme d’Egmont venaient d’avoir le bonheur de se faire placer dans le chœur de l’église avec les religieuses. — Sont-elles heureuses de voir celles qui chantent ! — sont elles heureuses, ces grandes Dames !… — et ce ramage-là continua jusqu’à la fin de la dernière Lamentation. Quand elle vit cette petite dévote qu’elle ne connaissait point, et qui ne soufflait pas, s’en aller en si grand et si bel équipage, avec les livrées de mon fils qu’elle connaissait de reste, elle en eut des transes mortelles, à ce que me dit le Maréchal de Richelieu.

Voici venir le récit du seul accident mémorable qui me soit arrivé dans l’église de Longchamps. Il