Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/21

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avant celui dont je vous parle, une députation pour aller complimenter le patriarche de son encyclopédie. Il paraît qu’il était bien aise de paraître en grand équipage, car il avait prié M. de Beauvau de lui prêter le sien. M. le secrétaire perpétuel et ses affidés s’y entassèrent à la demi-douzaine, mais il n’est pas vrai que le Prince de Beauvau fît partie de la députation.

Voltaire leur répondit poétiquement que les Muses et l’Apollon Musagète devaient être considérés comme les Déesses et le véritable Dieu de la médecine, attendu qu’Esculape était le fils d’Apollon : il leur dit qu’il irait leur rendre visite au Louvre ; il ajouta qu’il avait commandé chez Barchestre un carrosse magnifique, dont il aurait soin de faire hommage à l’Académie Française après son départ, et tout le reste de son allocution fut si misérablement plat ou si ridiculement emphatique que Dalembert en paraissait embarrassé. On ne manqua pas d’assurer que c’était par pure malice, et pour se venger de M. Dalembert qui l’avait contrarié sur le chapitre de sa confession. Dans tous les cas, c’était une vengeance de nouvelle espèce ; mais on aurait soutenu que Voltaire était un meurtrier, un incendiaire et un empoisonneur, plutôt que de convenir qu’il avait pu faiblir ou déraisonner, tout naturellement.

Le bel équipage en question consistait dans un gros carrosse à fond bleu de ciel et tout parsemé d’étoiles d’or ; on ne manqua pas de le comparer au char de M. de l’Empirée dans la comédie de Piron ; mais comme il avait été confectionné par les soins de M. de Villette qui ne faisait jamais rien