Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/225

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
221
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

quelle aucune autre ne pouvait être comparée pour l’extravagance.

C’était la famille du monde la plus mal organisée pour l’élocution, et c’était une famille où tout le monde parlait toujours. La maman grasseyait en nasillant, le papa susseyait et bégayait, le fils aîné bredouillait, et sa sœur a aîné bégayait et susseyait en zézéyant pour faire la jolie mignonne. Il y avait toujours dans un coin de leur sans une petite sœur qui était sourde et muette, à ce que disaient les autres, et qui n’en faisait pas moins un sabbat continuel avec des bruits étranges et des cris de sauvage.

Il est bon de vous dire à présent que Mme la Marquise était une fille de finance, et que sa grand’mère était la nièce et l’héritière d’un riche dentiste, appelé Duval-Camus mais comme de Bièvre avait dit que la fortune de cette grand’mère avait fait crier tout Paris, on ne la rencontrait jamais à l’hôtel de Villiers. Cette petite Marquise à prétentions était une camuse un peu mal envisagée, disait le Maréchal de Brissac, et du reste elle était informe, difforme et si courtement replète, qu’elle avait l’air d’un melon sur une borne. Je vous assure que la première fois que Mme de Coigny répéta cette ingénieuse hyperbole (de mon invention), elle en remboursa force complimens qu’elle a soigneusement gardés pour elle, et je l’en tiens quitte. Ce que je vous dirai du caractère et des habitudes de M. le Marquis, c’est qu’il ne parlait jamais que de ses petites affaires, et toutes les fois que l’occasion s’en présentait, il se faisait conduire a l’hôtel des postes en