Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/23

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cupaient du dictionnaire ; il est assez connu qu’il leur dit avec assez de jugement et beaucoup d’esprit : La langue française est comme une pauvresse orgueilleuse, elle se fâche quand on lui fait l’aumône, il y faut mettre de l’adresse.

Le continuateur des mémoires de Bachaumont rapporte la même chose en d’autres termes, mais je préfère ma version, comme étant plus élégante, et parce que je la tiens d’un auditeur très exact et très mémoratif, M. de Beauvau.

Voilà donc M. de Voltaire à la Comédie-Française, en face de M. le Comte d’Artois, et ce que Mme de la Reynière y trouva de plus singulier, c’était de voir un gentilhomme ordinaire de la chambre, dans la loge des Premiers gentilshommes, et à la place d’honneur encore ! elle en a parlé jusqu’en 1792.

Le parterre avait exigé que M. de Voltaire ne restât pas assis derrière Mme Denys et Mme de Villette, et je trouvai qu’il avait raison. Quand on eut crié, pendant quelque temps, des vivat ! et des bravo ! on entendit une grosse voix qui sortait d’une baignoire et qui disait La couronne ! la couronne !… et l’on vit alors le comédien Brizard entrer dans cette grande loge avec une couronne à la main. Il entreprit de la placer sur la tête du vieux poëte, qui s’en défendit modestement et se débattit supérieurement bien. Il avait manœuvré de manière à s’emparer de ladite couronne à dessein d’en faire hommage à Mme de Villette, et c’était une couronne de laurier, s’il vous plaît ! Le parterre en fut tellement scandalisé qu’on aurait dit assister à la fin du