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Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/238

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SOUVENIRS

comme on dit à l’office, avec un peu de vin de Malage, pour les faire dormir. Je les faisais bien laver avec de l’eau de veau, tous les matins, et de la tête aux pieds ; on les baignait tous els samedis à la Dauphine[1], et puis tous les quinze jours une excellente petite médecine noire, avec du tamarin bien acide et de la bonne manne en larmes, quelques follicules de séné, un grain de soufre, un bouquet de cerfeuil, une pincée de rhubarbe, un scrupule d’aloès, un soupçon de jalap, enfin de la thériaque de Venise et de l’électuaire de kinorodon, le tout infusé dans de la tisane d’absinthe. Mais il doit vous en souvenir de mes bonnes petites médecines, et je suis sûre que l’eau vous en vient à la bouche ? est-il friand !

S’ils avaient trouvé des pains à cacheter dans mes cabinets, ce qui n’était guère possible à cause de mes belles manières, je vous assure qu’ils n’auraient pas eu la tentation de les dérober pour les manger. À la suite de ce régime nouveau pour eux et qui était l’ancien régime pour moi, ils engraissèrent, ils s’égayèrent et s’embellirent ; ils devinrent plus doux, plus confians, plus véridiques, et lorsque la Princesse ou le Prince de Montbarrey venaient les voir, ils ne s’y reconnaissaient plus. — Comment, disaient-ils, nos enfans mangent tout ce qu’ils veu-

  1. C’est-à-dire dans une décoction de serpolet, de feuilles de laurier, de thym sauvage et de marjolaine, où l’on doit ajouter un peu de sel marin. Fagon prescrivait de faire prendre ces bains froids en hiver et tièdes en été, afin d’établir autant d’accord que possible entre la sensibilité de l’épiderme et la température.
    (Note de l’Auteur.)