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Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/26

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d’estomac), on a bâillé dans toute la salle à se démettre les mâchoires ? Je n’ai pas besoin de vous dire que ce monstre de Père Beauregard, ancien Jésuite, a prêché devant la famille royale, et qu’il a tonné sur la gloire dont on affectait de couvrir le chef audacieux d’une secte impie, le détracteur de la religion, le destructeur de la morale et des bonnes mœurs, car voilà les propres paroles dont il s’est servi ; et comme le Roi n’a pas eu l’air de désapprouver cette diatribe évangélique, vous voyez bien, poursuivait-il en gémissant, qu’il me faut renoncer à l’espérance de me voir accueilli favorablement et honorablement par Leurs Majestés ! Vous venez me parler de l’enthousiasme de votre public, et je vous dirai que le public ne vaut pas mieux que les courtisans ! » Là-dessus arrivait un long récit de la déconvenue qu’il avait essuyée dans une étude, chez un procureur au Châtelet, qui s’appelait Maître Keller et qui était le gendre du bonhomme Lurot, mon receveur des rentes et l’un des marguilliers de Saint-Merry. Cet homme était chargé de le poursuivre pour une vieille créance de la succession des frères Paris, mais il était persuadé que M. Arouet, dit de Voltaire, devait être mort depuis longtemps. — Il paraît que vous avez fait des livres assez jolis, lui dit ce procureur, et puisque vous n’êtes pas mort et que vous êtes venu chez nous, voilà, parbleu, qui va se trouver juste comme un gant ! je m’en vas vous faire faire la connaissance de mon second clerc qui a fait pour la fête de madame Lurot, ma belle--