Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les privations qui sont devenues de nécessité pour «nous[1]. »

— Rousseau, mon ami, lui répondis-je, agitation nerveuse, infirmité naturelle, et peut-être artificielle ! Votre femme n’est pas tellement malade, qu’elle ne puisse aller journellement de l’Ermitage à Montmorency en se promenant, et quelquefois jusqu’à Sarcelles, afin d’en gagner plus d’appétit, dit-elle aux passants. Si vous vouliez une lettre pareille à celle-ci, que ne dira-t-on point sur la puérilité de votre circulaire, où l’on y verra de la vanité dolente, avec une sorte de prétention cynique ? excusez ce mot-là. Vos ennemis diront que vous n’avez pas eu l’esprit de trouver une bonne servante, ou bien que vous êtes si mauvais maître et si défiant, que vous ne sauriez la garder. Pourquoi n’avez-vous pu garder la sœur de ma laitière de Jossigny, qui est la plus honnête et la meilleure fille de la terre ? ne me direz-vous pas aussi que vingt écus de gages étaient ruineux pour vous, ou que cette fille était payée pour vous trahir ? mais trahir sur quoi ? payée par qui ? voilà ce que vous ne sauriez dire, et pour l’amour de Dieu, n’allez pas nous attirer l’embarras de répondre à ces deux questions-là ! Ce serait donner la partie trop belle à ceux qui vous guettent et dont vous attisez continuellement l’inimitié. Je

  1. Cette lettre a été imprimée dans les Œuvres de Rousseau, d’après une copie qu’on avait trouvée dans ses papiers, mais ces deux versions sont un peu différentes…
    (Note de l’Éditeur.)